Le stress de la consultation chez le vétérinaire est un enjeu fréquent qui touche au bien-être du patient, à la satisfaction du client et à la sécurité du vétérinaire. Plusieurs solutions existent pour le réduire. Korpivaara et al. (2021) étudient l’utilisation d’un gel oral dont le principe actif est la dexmédétomidine, utilisée usuellement dans des protocoles anesthésiques. L’objectif de l’étude est de savoir dans quelle mesure ce gel réduit le stress des chiens en consultation, et si des effets indésirables peuvent être observés après son administration. Cette étude randomisée, en double aveugle et contrôlée par un placebo, porte sur 74 chiens répartis en trois groupes : ceux qui ont reçu une dose de dexmédétomidine de 125 μg/m2, ceux qui ont reçu 250 μg/m2, et ceux qui ont reçu le placebo. Le niveau de stress des chiens est approché par un score indiquant la tolérance de l’animal à supporter une intervention vétérinaire (vaccination, prise de sang, radiographie, coupe de griffe, …) et allant de 1 (intervention facile sans contention nécessaire) à 5 (intervention impossible).
Les résultats indiquent une plus grande tolérance du chien après administration de dexmédétomidine par rapport au placebo.
Étonnamment, l’efficacité n’est pas proportionnelle au dosage de dexmédétomidine appliqué. Et comme dans le groupe ayant reçu le dosage le plus élevé (250 µg/m2), deux cas de bradycardie légère ont été observés, l’utilisation du faible dosage (125 µg/m2) est davantage sécuritaire. A noter que lorsque que les 5 niveaux de tolérance des chiens sont rassemblés en deux catégories (1 et 2 ensembles colorés en vert ; et 3, 4 et 5 ensembles colorés en bleu), on augmente la sensibilité en observant plus nettement une différence entre les chiens « verts » et les chiens « bleus », mais on perd en précision et cette approche binaire ne permet de savoir quel signaux de stress sont les plus modulés par le gel.
Par ailleurs, les propriétaires interrogés sur la commodité d’application du gel de dexmédétomidine rapportent en large majorité une facilité voire une grande facilité à son utilisation.
Finalement, cette étude peut-elle être extrapolée et est-il raisonnable de conseiller aux propriétaires de chiens stressés l’utilisation du gel de dexmédétomidine ? La conception de l’étude (randomisée, en double aveugle et contrôlée par un placebo) et l’effectif de chiens participants (74 soit 14 par groupe) sont des marqueurs d’une qualité satisfaisante de l’étude. Il faut toutefois noter que les interventions subies par les animaux ne sont pas toutes les mêmes, donc dans le cas où davantage de manipulations peu contraignantes sont réalisées dans les groupes recevant le gel, le traitement pourrait sembler plus efficace qu’il ne l’est vraiment. De plus, seuls des chiens au stade ASA I ou II sont inclus dans l’étude, donc des effets indésirables inconnus pourraient apparaitre en cas d’utilisation chez des chiens ASA > II. Par ailleurs, les chiens avec des problèmes dentaires ou gingivaux sont exclus, mais sans préciser les affections. Donc on ne sait pas si l’étude exclut les chiens présentant une légère maladie parodontale associée à du tartre. Si c’était le cas, l’extrapolation à la population générale des chiens de compagnie se verrait réduite. Ajoutons que le fait d’approcher l’efficacité du traitement par la tolérance à être manipulé pourrait être biaisé dans le cas d’un surnombre dans les groupes traités d’animaux réagissant en « freeze » à la situation stressante. En effet, ils apparaissent comme des « succès » du gel de dexemédétomidine puisqu’ils se laissent faire mais sont aussi stressés qu’un animal se débattant. Les proportions d’animaux réagissant de la sorte n’ont pas été rapportées dans l’étude, il est donc impossible de savoir si cela constitue un biais ou non.
Docteure Marie Nguyen
Source :
KORPIVAARA, Mira, HUHTINEN, Mirja, ASPEGRÉN, John et OVERALL, Karen, 2021. Dexmedetomidine oromucosal gel reduces fear and anxiety in dogs during veterinary visits: A randomised, double‐blind, placebo‐controlled clinical pilot study. Veterinary Record. décembre 2021. Vol. 189, n° 12, pp. e832. DOI 10.1002/vetr.832.
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