Les objectifs de cette étude sont, d’évaluer les effets sédatifs et sur le comportement de l’administration par voie orale d’une association de gabapentine (20 à 25 mg/kg, la veille au soir du rendez-vous et 20 à 25 mg/kg 90 à 120 min avant le rendez-vous), mélatonine (3 à 5 mg/chien, 90 à 120 min avant le rendez-vous) et acépromazine (0,05 mg/kg, 90 à 120 min avant le rendez-vous), par le propriétaire du chien, avant la visite chez le vétérinaire. On appellera par la suite ce protocole le « Chill » protocole. Ce protocole est aujourd’hui largement utilisé en pratique vétérinaire courante aux États-Unis et en Grande Bretagne. Le but de cet article est donc d’en évaluer son efficacité à travers une étude clinique prospective.
Méthode
L’étude porte sur 45 chiens en bonne santé, entre 1 et 12 ans présentant habituellement des signes de stress (signaux d’apaisement : oreilles en arrière, regard fuyant, queue entre les pattes, babines retroussées ou corps ramassé sur lui-même) ou d’agressivité (grognements, morsures, aboiements) chez le vétérinaire. L’étude est constituée de deux phases, séparées de deux semaines :Jour 1 : visite chez le vétérinaire sans prémédication. Jour 2 (2 semaines plus tard) : visite chez le vétérinaire après administration du « Chill » protocole.Les deux fois les animaux sont filmés avec une caméra fixe dès leur entrée dans la salle de consultation jusqu’à leur sortie. Les examens cliniques sont standardisés comme suit pour assurer la répétabilité : (1) mise en place de la muselière (10 secondes), (2) auscultation bilatérale des poumons avec un stéthoscope (20 secondes), (3) auscultation bilatérale du cœur avec un stéthoscope (20 secondes), (4) palpation abdominale (5 secondes) (5) inspection visuelle des oreilles (10 secondes), (6) simulation d’une prise de sang (application d’alcool, compression de la veine, toucher de la veine avec une aiguille encapuchonnée, 20 secondes).Les chiens ayant fait montre d’agressivité, lors de consultation précédentes, sont muselés avant la visite chez le vétérinaire, afin de garantir la sécurité du personnel.Les vidéos sont ensuite analysées aléatoirement par 4 observateurs (dont des spécialistes en anesthésie et un spécialiste en comportement).Les scores de sédation sont attribués avant le début de l’examen clinique, selon une échelle semi-quantitative comprenant 4 principales catégories (posture, position des yeux, réponse à un bruit extérieur, apparence générale).Les scores de stress sont obtenus à l’aide d’une échelle de note semi-quantitative. Les scores allant de 1 (aucun stress) à 5 (stress sévère/agressivité), avec un score de 6 (trop dangereux pour essayer) donné si une partie spécifique de l’examen clinique n’a pas pu être réalisée.
Résultats
Les valeurs de P<0,05 indiquent une différence significative entre les résultats de la ligne de base et les résultats post « chill » protocole
Les valeurs de P<0,05 indiquent une différence significative entre les résultats de la ligne de base et les résultats post « chill » protocole
Discussion
Cette étude montre que l’administration du « Chill » protocole, par le propriétaire, avant le rendez-vous chez le vétérinaire, conduit à une diminution significative du stress et une augmentation significative de l’état de sédation chez le chien anxieux et agressif. Le « chill » protocole a réduit les signes de stress chez 91,1% (41/45) des chiens concernés par l’étude. De plus, durant la visite post « chill » protocole, un examen clinique complet des chiens a été possible chez 5/8 des chiens (8 étant le nombre de chiens chez qui l’examen clinique n’avait pas pu être complet lors de la première visite).
Par ailleurs, cette étude tend à corroborer les études précédentes qui montrent un effet anxiolytique de la gabapentine et de la mélatonine et un effet sédatif de l’acépromazine. Elle montre aussi que la synergie des molécules tend à potentialiser les effets de chaque molécule, tout en permettant d’en réduire les doses administrées. Il est tout de même important de rappeler que l’acépromazine seule n’a pas d’effet anxiolytique, mais seulement sédatif, et qu’elle peut conduire à des phénomènes de désinhibition ou de réponse exacerbée aux bruits extérieurs. Ce qui n’est pas le cas dans cette étude, probablement grâce à la synergie entre les 3 molécules utilisées. Il est donc plus prudent de ne pas utiliser l’acepromazine seule dans le contexte de chiens anxieux ou agressifs, mais il est intéressant de l’utiliser en association avec d’autres molécules.
Une corrélation entre l’augmentation de l’âge du chien et la diminution du score de stress et l’augmentation du score de sédation a été observée. Cette corrélation peut s’expliquer, d’une part, par la diminution de la fonction hépatique liée à l’âge à l’origine de l’augmentation de la demi-vie plasmatique des molécules telles que l’acépromazine, la mélatonine et possiblement la gabapentine. Et d’autre part, par la nécessité d’une fonction rénale performante pour l’élimination des médicaments. Il est possible qu’avec l’augmentation de l’âge des chiens, leur fonction rénale diminue, conduisant à une concentration plus élevée en molécules dans le sang, ce qui pourrait alors expliquer les différences observées.
Cette étude a des limites, notamment le manque de groupe contrôle ne recevant que 1 ou 2 des 3 médicaments utilisés. Une autre des limites de cette étude est le manque de groupe contrôle placebo. En effet, tous les chiens ont reçu le « chill » protocole à la deuxième visite et ils pourraient avoir été plus habitués à l’environnement de la clinique vétérinaire lors de cette deuxième visite ce qui pourrait expliquer en partie la réduction de leur stress. Cependant, il faut noter que des études précédentes ont montré que les chiens anxieux ou agressifs nécessitent des protocoles de désensibilisation ou de contre-conditionnement au long cours, nécessitant plusieurs rendez-vous successifs avant de commencer à porter leurs fruits. Par conséquent, il est peu probable qu’une seule visite préalable ait pu conduire à une diminution du stress chez les chiens concernés.Un autre point critiquable de l’étude est l’utilisation d’une caméra fixe, en effet, cela ne permet pas de visualiser les chiens sous différents angles et notamment de noter un changement dans la position des yeux par exemple.
En conclusion, le « Chill » protocole semble être un bon outil pour aider le vétérinaire praticien à réduire l’anxiété et le stress des chiens en consultation.
Docteure Lola Romanos
Source :
Dr. Renata Costa Gabapentin, melatonin, and acepromazine combo to manage fear-aggressive and anxious dogs prior to hospital visits.
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