
Il y a quelques mois, nous vous avions présenté les résultats de l'étude de Hampton et al., dont l'objectif était de déterminer si la musique « spéciale-chat » en clinique vétérinaire permettait de réduire le stress et d'améliorer la manipulation du chat durant l’examen clinique chez le vétérinaire.
Aujourd'hui, nous nous intéressons à un nouvel article sur la musique mais dans un cadre d'hospitalisation des chats. Les objectifs de cette étude sont d’évaluer si la musique « spéciale-chat » ou la musique classique peuvent réduire le stress des chats hospitalisés en comparaison avec l'absence de musique (attention, cela ne signifie pas en comparaison du silence !). L'évaluation du niveau de stress doit ici être faite en documentant 4 paramètres :
Le score de stress félin (Cat Sress Score - CSS),
La fréquence respiratoire des chats (RR),
Leurs interactions sociales avec le personnel (SIC)
et enfin le cortisol salivaire.
Méthode
L’étude a été menée sous forme d’un essai clinique prospectif, randomisé et partiellement en aveugle. Pour s'immerger totalement dans l'étude, imaginez-vous au sein du service Féline de l'Etablissement d'Enseignement Vétérinaire de Rio Grande do Sul au Brésil. L'établissement a déjà adopté un grand nombre de pratiques Cat Friendly et utilise une salle d'hospitalisation réservée aux chats. Les cages sont vitrées et proposent une cachette à tous les pensionnaires (voir figure 1) et il fait environ 24°C... ça y est, vous y êtes ?
Les chats étudiés sont donc des animaux de propriétaires admis en clinique pour y être soignées. C'est donc la vraie vie quoi ! Mais ce détail est important, on y reviendra.

35 chats hospitalisés ont été répartis aléatoirement en trois groupes :
Groupe 1 : musique « spéciale-chat »
Groupe 2 : musique classique
Groupe 3 : Absence de musique (groupe témoin)
Les chats retenus dans l'étude sont hospitalisés pour une durée minimale de 31 heures. Les chats admis en cliniques ne doivent pas présenter certains dysfonctionnements susceptibles de biaiser l'étude. Sont ainsi exclus, par exemple, les animaux présentant des dysfonctionnement respiratoires sévères, des lésions motrice susceptibles d'adopter les positions naturelles de l'espèce ou encore ceux présentant un état de conscience anormale.
Cinq évaluations sont effectuées pour le score de stress, la fréquence respiratoire et les interactions sociales. Les mesures de Cortisols salivaires s'avèrent trop compliquées et sont abandonnées en cours d'expérimentation.
Chaque session a été filmée et le son retiré pour que l’évaluation du CSS soit réalisée à l’aveugle. L'évaluation du score de stress est réalisé à partir de l'échelle de Kessler (la même que celle utilisée dans l'article sur le stress lors de l'examen) qui va de 1 (totalement détendu) à 7 (extrêmement stressé).
La musique était diffusée à un volume modéré (60 dB) uniquement pendant les périodes d’activité maximale en clinique, soit 7h30 - 11h30 puis 13h30 - 17h30.
Passons sur les autres détails du contexte environnemental, les plus intéressés d'entre vous pourront accéder directement à la publication ici.

Figure 2 : Synthèse de la méthode d'évaluation (5 évaluations).
Résultats
Nous arrivons donc aux résultats, et c'est un peu là que ça se complique... Parmi les 38 chats initiaux, 3 ont été exclus car leurs états de santé se sont dégradés les amenant à atteindre les critères d'exclusion mentionnés au début de l'article.
Score de stress (CSS) :
Aucune différence significative entre les trois groupes.
(La moyenne du CSS des cinq évaluations dans le groupe de musique spécifique aux chats était de 2,5 ± 0,1, de 2,4 ± 0,2 dans le groupe de musique classique et de 2,7 ± 0,1 dans le groupe témoin).
Interaction sociale :
Le score d'interaction sociale (SIC) est basé sur une échelle créée par les auteurs pour l'étude (voir table 1 en annexe de l'article). Le score se base sur une description simplifiée du comportement du chat observé lorsque l'operateur s'approche et entre en contact avec lui.
Les chats exposés à la musique « spéciale-chat » ont montré plus d’interactions positives avec les chercheurs au tout début de l’étude lors de la première des 5 évaluations (P=0,002), mais cet effet ne s’est pas maintenu sur la durée et n'est pas observé sur les 4 évaluations suivantes.
Fréquence respiratoire : Les résultats collectés pour la fréquence respiratoire sont présentés ci-dessous en table 2. Bien que des variations soient observées dans le tableau, seule la différence entre le groupe musique classique et le groupe contrôle lors de la quatrième évaluation montre une différence significative statistiquement. Il est donc difficile de conclure à partir de ce paramètre.

Cortisol salivaire : Les prélèvement ont été compliqués (quantités trop faibles, contamination avec du sang ou des restes alimentaires) et les résultats étaient insuffisants pour une analyse statistique fiable. Ce paramètre est donc sorti de l'étude.
Discussion
Contrairement aux attentes, dans cette étude, il n'est pas observée de réduction significative de l'état de stress des chats hospitalisés grâce à la musique « spéciale-chat ». Les résultats concernant la meilleure interaction sociale en début d’hospitalisation serait intéressant à creuser mais semblent malgré tout assez fragiles à ce stade.
L'effet de la musique classique sur la fréquence respiratoire mériterait également d'être approfondi afin d'obtenir des conclusions plus applicables en hospitalisation (d'autres publications existent sur ce sujet que l'on pourra discuter à l'avenir).
Parmi les limites de l'études et les difficultés rencontrées par les auteurs, on retiendra ici 2 points principaux :
L'absence d'un outil adéquat, indiscutable et universel permettant de mesurer le stress des chats hospitalisés. Il n'existe à ce jour aucune méthode non-invasive et suffisamment précise qui permettent d'évaluer le stress du chat de manière indiscutable. Les outils et scores mentionnés, même appliqués par des experts et à l'aveugle, ont encore une grande marge d'amélioration et de nombreux travaux sont encore nécessaires.
Je vous avais promis que l'on y reviendrait : la diversité des motifs d'hospitalisation dans l'étude est un point très important ! Bien que de nombreux chats aient été exclus en raison de leur état de santé, il n'en reste pas moins qu'ils étaient présents en clinique pour des raisons assez variables :

Au delà même de l'impact que pourrait avoir la pathologie sur le niveau de stress de l'animal, le nombre de manipulations ou de prises de traitements nécessaires à la prise en charge (en plus des prélèvements réalisés dans le cadre de l'étude) est susceptible d'impacter le niveau du stress de l'animal de manière significative.
Conclusion
Bien que les auteurs suggèrent certains effets positifs, ni la musique « spéciale-chat » ni la musique classique ne permettent de démontrer dans cette étude une réduction claire et significative du stress chez les chats hospitalisés. De manière intuitive, et en se basant sur les études d'impact de la musique menée sur d'autres espèces ou même chez l'humain, l’utilisation de la musique peut rester un outil intéressant pour améliorer l’expérience des chats en clinique vétérinaire. Elle peut permettre de masquer certains bruits stressants externes à la salle d'hospitalisation par exemple ou encore agir sur le cadre de travail de l'équipe. En revanche, il faut garder en tête qu'il reste un très gros travail scientifique à mener pour appuyer, optimiser et démontrer réellement l'intérêt de cette pratique dans un objectif de réduction du stress des animaux en clinique. On rappellera enfin que, avant même l'introduction de la musique, la mise en place à l'échelle individuelle de manipulations et de contentions douces, et l'exclusion de techniques telles que la prise par le cou auront un impact positif beaucoup plus direct sur le stress de l'animal !
Pierre Carrere
Source :
Paz JE, da Costa FV, Nunes LN, Monteiro ER, Jung J. Evaluation of music therapy to reduce stress in hospitalized cats. Journal of Feline Medicine and Surgery. 2022;24(10):1046-1052. doi:10.1177/1098612X211066484

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